Lors de l’accompagnement de personnes atteintes de troubles neurocognitifs, nous sommes souvent confrontés à des situations complexes, où la personne malade va évoquer des choses fausses (anciennes ou actuelles).
Est-elle en train de mentir ? Est-ce une affabulation ou une confabulation ?
Il me semble important de bien définir la différence entre ces notions afin d’avoir le comportement le plus adapté.
Affabulation et confabulation sont composées du même substantif : Fabulation
Voici donc, pour commencer, quelques définitions :
Etymologie : Du latin fabulatio (« discours, conversation ») issu de fabula (« rumeur, récit mythique »).
Définition du Larousse : Action de présenter comme réels des faits purement imaginaires, de donner une version romanesque des faits. Invention de faits imaginaires que le sujet présente comme réels
Définition du CNRTL : Organisation des faits, récit imaginaire, activité de l’imagination
Dans les définitions de ce terme n’apparait pas la notion d’intentionnalité de la personne. Un fait imaginaire est présenté comme réel.
Définition du Larousse : manière dont un récit de fiction est organisé. Par extension : récit mensonger, déclaration mensongère.
Le terme Affabulation ne désigne pas l’action, mais la manière d’exécuter cette action.
Définition du Larousse : Trouble de la mémoire se manifestant comme une fabulation dite « compensatrice » des lacunes amnésiques intéressant surtout le présent ou le passé récent. Trouble neurologique caractérisé par des fausses reconnaissances ou des faux souvenirs perçus comme réels.
Récit imaginaire construit par notre cerveau pour compenser un déficit mnésique (Albert Moukheiber)
Nous voyons, dans ces définitions, une différence notable : l’intention.
Dire quelque chose de faux est-il mentir ? Quelle est la définition de ce verbe ?
Définition du Larousse : Dissimuler, déguiser volontairement la vérité, nier ou taire ce qu'on devrait dire
Définition du CNRTL : Affirmation contraire à la vérité faite dans l'intention de tromper.
Il y a dans le mensonge, une intention volontaire. Présenter comme vrai un élément que nous savons faux.
Si je suis convaincu que ce que je dis est vrai, alors que je suis dans l’erreur, je ne suis pas en train de mentir.
Sans être malade, notre cerveau utilise la confabulation.
Prenons un exemple : vous assistez à un spectacle d’illusionnisme et le magicien se met à voler dans les airs.
Vous êtes face à une situation incompréhensible, et dans l’objectif de vous rassurer, votre cerveau va imaginer une solution pour compenser votre incompréhension (nous retrouvons la définition du mot confabulation).
Fil invisible ? illusion d’optique ? Outil High-tech ? Champ électromagnétique ? ...
Si, à la fin du spectacle, vous affirmez aux autres que vous êtes sûr et certain que ce n’était qu’une illusion d’optique, alors qu’une autre technique a été utilisée, vous ne mentez pas. Mais vous énoncez quand même quelque chose de faux.
Revenons à l’accompagnement d’une personne atteinte de troubles neurocognitifs.
Revenons à l’accompagnement d’une personne atteinte de troubles neurocognitifs.
Mme X m’annonce qu’elle a 42 ans et doit aller chercher ses enfants à l’école.
Le problème est qu’elle en a 90 et que ses enfants ne vont plus à l’école depuis longtemps.
J’entame une discussion avec elle, en essayant de lui amener des éléments concrets pour lui faire comprendre son erreur.
Ses troubles peuvent amener son cerveau à confabuler. Imaginer diverses solutions afin de se rassurer. Et elle sera persuadée que ce qu’elle dit est vrai.
Voilà pourquoi je parle, dans l’accompagnement de ces personnes, de double réalité.
Bien que différentes, nous partageons deux réalités. La mienne et celle de l'autre personne.
Parmi les notions abordées par le mystère d'Aloïs, nous retrouvons justement les mécanismes de confabulation et de double réalité.
Ce concept vous propose de découvrir le monde tel qu’il est perçu par la personne malade. Il vous invite à entrer, le temps d'un instant, dans sa réalité.